Lorsque j’étais une œuvre d’art
Eric-Emmanuel Schmitt
Première publication en 2002
253 pages
Résumé :
Parce qu’il se sent médiocre et inexistant, un jeune homme va se suicider quand un artiste mégalomane suspend son geste. Il lui propose d’acheter son âme et son corps pour en faire une sculpture vivante, sublime ou monstrueuse, et une marchandise planétaire. Le désespéré accepte le pacte et l’opération, se laisse déshumaniser, et exposer aux yeux des foules, sous le nom d’Adam-bis. Mais peut-il abdiquer entièrement son humanité ? Grâce à l’amour d’une jeune-femme, « l’œuvre d’art » tente alors de sortir de l’emprise de son créateur et de retrouver sa conscience perdue. Cette fable excentrique, inquiétante et comique nous entraîne dans un monde rongé par le narcissisme, le culte du simulacre et de l’apparence, le totalitarisme de l’image : le nôtre.
Après plus d’un mois et demi d’absence – oui, les partiels m’ont mené la vie dure – je reviens mettre à jour mon pauvre blog délaissé. Je suis enfin en vacances et je compte bien rattraper mon retard dans mes publications ainsi que dans mes livres à lire ! Mais revenons-en au livre qui donne lieu à cet article : Lorsque j’étais une œuvre d’art.
Une nouvelle fois, Eric-Emmanuel Schmitt a su me transporter bien loin de tous mes repères, sans en avoir l’air. Il nous présente ici un personnage banal de son propre point de vue, souffrant de la célébrité et de la très grande beauté de ses frères jumeaux. Déterminé à mourir, il décide pourtant de se remettre entre les mains du célèbre artiste Zeus Peter-Lama afin que celui-ci fasse de lui une œuvre d’art vivante, révolutionnaire et unique. Mais le rêve tourne bientôt en cauchemars lorsqu’Adam-bis – renommé par son créateur – commence à manifester quelques regains de conscience et qu’il s’oppose à son désormais maître.
Durant toute ma lecture, une pensée n’a cessée de tourner dans ma tête, « pourvu que ça n’arrive jamais ! ». Le lecteur assiste en effet impuissant à l’ascension éphémère du héros, ascension fulgurante mais qui comporte tout de même un prix : céder son âme et s’oublier entre les mains de son créateur. Dépossédé de lui-même, déshumanisé, réduit à un simple objet de curiosité, Adam-bis émeut et agace tour à tour par son aveuglement. Zeus-Peter Lama, lui, ne provoque que répulsion et colère. Sa vanité et sa condescendance en font un personnage détestable, haïssable même auquel on ne souhaite finalement qu’une chute lente et douloureuse, à l’image de celle qu’il fait subir à Adam.
L’ambiance est pesante, sombre et bien souvent révoltante. L’attitude des politiques, des médias et même celle du public choque par et insupporte à la fois. Adam-bis est en effet bien devenu une œuvre d’art, perdant dès lors son statut d’homme ainsi que les droits qui vont avec.
Le style est toujours aussi agréable, aussi riche et poétique. Le premier chapitre m’a particulièrement marquée et j’en ai savouré chaque phrase. Ma seule déception ira à la fin du roman. J’ai en effet était très surprise de la manière dont Schmitt conclue tant de désillusions et d’épreuves. Un peu déçue à la vérité, ce qui est dommage puisque lorsque la fin d’un roman ne me plaît pas, mon impression générale de celui-ci a tendance à diminuer.
En bref, une lecture très agréable et un coup de maître d’Eric-Emmanuel Schmitt. Un seul bémol : la fin un peu too much à mon goût.