La solitude des nombres premiers
Paolo Giordano
Première publication en 2009
343 pages
Quatrième de couverture :
Elle aime la photo, il est passionné par les mathématiques. Elle se sent exclue du monde, il refuse d’en faire partie. Chacun se reconnaît dans la solitude de l’autre. Il se croisent, se rapprochent puis s’éloignent, avant de se frôler à nouveau. Leurs camarades de lycée sont les premiers à voir ce qu’Alice et Mattia ne comprendront que bien des années plus tard : le lien qui les unit est indestructible.
« Mattia et elle étaient unis par un fil élastique et invisible. »
Ce qui m’a interpellée dans ce roman, c’est avant tout le titre. Je ne sais pas vraiment pourquoi je me suis arrêtée le temps de lire la quatrième de couverture, mais le titre y est pour beaucoup. Et une fois le résumé lu, je ne pouvais pas faire autrement que de vouloir à tout prix ce livre. Et comme il m’attendait gentiment sous le sapin de Noël, j’en ai fait ma première lecture 2011. Et autant dire que l’année se profile bien puisque cette lecture est un gigantesque coup de cœur !
Ce roman est séparé en 7 parties, qui représentent chacune une époque de la vie des personnages principaux. Nous les voyons donc grandir, évoluer, se croiser puis se séparer avant de se retrouver plus tard. Je risque malheureusement de rester assez évasive concernant mon ressenti, car même plusieurs jours après avoir terminé ce roman, j’ai encore du mal à mettre du mot sur ce que j’ai éprouvé.
Les deux personnages principaux sont tous deux émouvants, chacun à leur manière. Alice m’a touchée par son envie d’agir comme les autres et de faire partie du groupe de filles ayant le plus de succès du collège, quitte à subir nombre d’épreuves d’intégration. J’ai trouvé Mattia émouvant dans sa souffrance, dans son envie de se fondre dans le décor et d’écarter les autres de lui. C’est à lui que je me suis le plus attachée, peut-être parce qu’il passe sa vie à subir le monde qui l’entoure, sans réellement comprendre comment il en est arrivé là, hanté par un passé beaucoup trop pesant pour lui. Denis aussi m’a touché par ses doutes constants, son amour absolu pour Mattia et son besoin de rester auprès de lui, simplement pour profiter de sa présence et le soutenir.
Les premiers chapitres donnent tout de suite le ton du roman : une ambiance feutrée, relativement sombre et parfois même oppressante. J’ai souvent eu le ventre noué durant ma lecture car l’auteur réussit merveilleusement bien à nous faire nous identifier à Alice et Mattia. Il ne se passe pas énormément de choses quand on y réfléchit bien, rien d’extraordinaire en tout cas (passé les premiers chapitres). C’est le récit de plusieurs vies qui s’entrecroisent, l’histoire de plusieurs personnages qui tentent tant bien que mal de se faire une petite place dans le monde ou au contraire de s’en couper. A travers Alice et Mattia, on nous présente en faite deux manières très différentes de faire face à un passé envahissant, à un acte isolé dont les conséquences influent sur l’avenir entier de ceux qui l’ont provoqué. Leur solitude extrême est touchante et leurs différentes rencontres sont toutes teintées de maladresses, d’occasions ratées et d’une pointe de déception.
J’ai trouvé l’écriture magnifique, poignante dans sa froideur et très émouvante malgré la distance que le narrateur met entre lui et les personnages. J’avoue être assez exigeante en ce qui concerne le style lorsque je lis du contemporain, mais j’ai été comblée par cette lecture, les descriptions sont d’une telle poésie, d’une telle justesse que ça en est troublant !
En bref, un énorme coup de cœur pour ce roman aussi magnifique que touchant. A lire de toute urgence et à savourer sans modération !
Pour le plaisir :
"Les années du lycée avaient constitué une blessure ouverte, que Mattia et Alice avaient jugée trop profonde pour qu'elle cicatrise. Ils les avaient traversées en apnée ; lui, refusant le monde ; elle, se sentant refusée par le monde, et ils s'étaient aperçus que cela ne faisait pas beaucoup de différence. Ils s'étaient construit une amitié bancale et asymétrique, composée de longues absences et de grands silences, un espace vide et propre où ils avaient tout loisir de reprendre haleine quand les murs du lycée se rétrécissaient au point de les étouffer."